De la résolution découlant des travaux du forum « Sur les traces de nos ancêtres amérindiens », les signataires du document proposent « que le mois de mars (mois du massacre de milliers de Taïnos au combat de la Vega Real, mois de la disparition tragique de Caonabo, de la trahison et de la pendaison de la reine Anacaona), soit consacré à l’héritage amérindien».
Dans les hauteurs de Pétion-Ville, nous étions partis “Sur les traces de nos ancêtres amérindiens”. Jamais nous n’avions vu autant d’objets montrés sur des Taïnos dans l’exposition qui eut lieu à l’hôtel Ritz-Kinam II les 19 et 20 avril 2013. Cette exposition tenue dans le cadre d’un colloque organisé par la Fondation Odette Roy Fombrun pour l’éducation (FORF) avait mis en lumière un pan de notre patrimoine historique et culturel oublié.
Le visiteur avait pu apprécier tout un ensemble de pièces artisanales que les premiers habitants de l’île réussirent à fabriquer à partir de la terre glaise et de la pierre. Notons au passage que beaucoup d’objets exposés appartiennent à des collections privées. Ils s’arracheront en effet à prix d’or quand un musée consacré aux Taïnos voudra un jour les acquérir.
Dans le cadre de cette exposition, le visiteur a été marqué par le talent artistique de nos créateurs. Ces derniers se sont inspirés de l’art Taïno pour composer leurs oeuvres. Peintres, artisans, stylistes nous avaient permis de remonter le temps en créant une atmosphère qui incite à imaginer la vie sur la terre d’Haïti avant l’arrivée des colons espagnols. Côté musique dans cette aventure, le didgeridoo (qui évoque en quelque sorte la ressemblance avec une trompe d’éléphant) dans lequel souffle Grégory Vorbe faisait dans la salle un bourdonnement, un son de basse.
La résolution du forum
Si l’exposition a permis à l’oeil d’apprécier quelques fragments de la richesse des Taïnos, le forum ne fera que conforter par le discours la nécessité de s’engager « sur les traces de nos ancêtres amérindiens » pour mieux connaître l’histoire de l’île. Sur la base de ces connaissances, on finit par comprendre « qu’il est impératif de protéger et valoriser tout ce qui constitue le patrimoine identitaire national. »
A ce forum, un ensemble de professionnels ont planché sur plusieurs thèmes voisins du thème central. Ont eu la parole des spécialistes en patrimoine, architectes, archéologues, anthropologues, ethnologues, collectionneurs, gestionnaires, chercheurs, éducateurs. De même que des opérateurs et autres représentants du secteur touristique, artistes, étudiants, représentants de descendants d’Amérindiens, citoyennes et citoyens concerné/es. Ce sont ces diverses compétences qui ont signé la résolution découlant des travaux au Ritz Kinam.
Déjà publié dans Le Nouvelliste, nous reprenons telle quelle une bonne partie de la résolution découlant des travaux du premier forum organisé par la FORF à Pétion-Ville.
La résolution propose « que le mois de mars (mois du massacre de milliers de Taïnos au combat de la Vega Real, mois de la disparition tragique de Caonabo, de la trahison et de la pendaison de la reine Anacaona) soit consacré à l’héritage amérindien». Elle recommande, « à la société haïtienne dans toutes ses composantes et à l’Etat haïtien, de lier la notion de protection de l’environnement à celle de protection du patrimoine et de connaissance historique du territoire, en tant qu’apports essentiels à son aménagement et d’en faire des thèmes transversaux devant orienter leurs réflexions et actions en vue du développement durable du pays».
Elle revendique « de l’Etat haïtien la définition et l’application d’une politique publique de la culture et du patrimoine, claire et précise, et résultant d’un processus consultatif large et inclusif».
Elle réaffirme « l’engagement à mener la lutte aux côtés de l’État haïtien, pour une réappropriation globale de notre patrimoine tangible et intangible – et en particulier de notre patrimoine amérindien longtemps négligé – ce, dans une perspective de développement social, culturel et économique du pays. Cette démarche vise aussi à inscrire notre pays dans le vaste mouvement de revendication identitaire des « Peuples Premiers » du continent américain et de la Caraïbe».
Elle encourage « la société haïtienne dans toutes ses composantes et l’Etat haïtien à se mobiliser pour qu’une vaste campagne de sensibilisation et d’éducation à la protection du patrimoine et à une exploitation responsable de ces richesses nationales soit menée le plus rapidement possible à travers tout le pays, dans les médias, les écoles, les universités, les églises, les groupes de jeunes et de femmes, les clubs de patrimoine, les associations de base, les associations professionnelles, les associations culturelles, les sociétés savantes, etc.»
Elle demande « instamment au ministère de l’Education nationale de créer une commission interdisciplinaire pour procéder à la révision du curriculum et des manuels d’histoire, afin de donner une place méritée à la civilisation amérindienne de l’île, d’éliminer les stéréotypes contre nos ancêtres, qu’ils soient Arawak-Taïnos, Caraïbes ou Africains, et de préconiser une approche critique mais sereine de l’enseignement de l’histoire».
Elle demande « au ministère de la Culture et au Parlement haïtien de se pencher rapidement , d’une part, sur la définition des mécanismes de mise en application des quatre conventions de l’Unesco ratifiées en 2009, notamment la « Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriétés illicites des biens culturels» et , de l’autre, sur la refonte des textes de lois incomplètes et désuètes concernant le patrimoine national (naturel et culturel)».
Elle exige «que l’Etat exerce un contrôle plus serré sur les fouilles et toutes sortes de recherches et explorations menées dans le pays, et qu’il exige que les résultats lui soient soumis avant d’être publiés. Demandons que les instances concernées se penchent sur la problématique de la vulgarisation prématurée et désordonnée par tout venant de données sensibles qui pourraient résulter de ces recherches, vulgarisation qui contribue indirectement au pillage de notre patrimoine national».
Elle réclame que « l’Etat haïtien, à travers des réformes institutionnelles et des allocations budgétaires substantielles, démontre de manière non équivoque son intérêt pour le secteur « culture et patrimoine » du pays. En particulier, nous, citoyennes et citoyens concerné/es, demandons instamment que des dispositions légales, administratives et budgétaires soient rapidement prises afin de moderniser et renforcer les institutions chargées de la gestion et de la protection du patrimoine, telles l’ISPAN, le MUPANAH, le Bureau national d’Ethnologie, les Archives nationales et la Bibliothèque nationale, pou ne citer que celles-là. »
Article de Claude Bernard Sérant, Le Nouvelliste
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Petion-ville Haiti HT6140
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